Aux premiers jours elle suscita en lui la colère, le doute, la jalousie ; pas des autres mais des moments volés, du temps qui passait. L'absence sournoise, en s'infiltrant, modifiait ses émotions, les aiguisait, les affûtait, les rendant plus tranchantes.
Au début on l'aurait cru faite pour le blesser, mais bien loin de là, l'émotion prenait son profil le plus fin pour mieux raisonner en lui. Il ressentait le manque, celui de l'autre, de l'amour jusque dans sa chair, de l'envie du corps, du nez qui cherche une odeur, de la main qui cherche le ventre pour y poser une caresse, de l'œil qui au travers de ses larmes ne voit plus que des souvenirs, de la peau qui cherche la peau, de l'autre main qui se referme sur le vide, de chaque phalange se recroquevillant méthodiquement au rythme qu'elle impose, du pied qui tombe et se balance dans le vide.